
Mercredi matin, Samantha n'a pas cours. Plongée dans ses pensées, elle observe la vue depuis la fenêtre de son studio étudiant. Soudain, une idée glaçante traverse son esprit : "Et si je sautais ?".
Samantha est choquée par cette pensée ainsi que par la scène qu'elle imagine. Elle est déroutée tant par la gravité de la pensée que par le questionnement qui en émerge : "Aurais-je un désir enfoui de me faire du mal ?" Samantha sent alors sa tête tournoyer. Cette pensée vient de la déstabiliser.
Durant la semaine, cette pensée lui revient régulièrement à l'approche de sa fenêtre. Samantha met alors en place des stratégies pour la bloquer : elle ne s’en approche plus et s'efforce même de ne plus regarder dans cette direction. Samantha fait tout ce qu'elle peut pour se protéger d'elle-même car elle en est sûre : si elle y pense, c'est qu'au fond, elle en a terriblement envie. Pire, si elle y pense, c'est qu'elle en est capable.
Un jour de grande souffrance, elle en parle avec sa meilleure amie. Le couperet tombe « c'est pas normal, Samy. Fais attention à ne pas finir en hôpital psychiatrique ! ». Samantha est accablée par cette discussion. Mais ce n'est pas tout, Samantha constate vite que cette crainte s'est étendue : les fenêtres chez ses parents, chez ses amis, les manèges, les ponts, les escalators. Elle décuple ses efforts stratégiques. Par exemple, lorsqu’elle se rend dans son centre commercial préféré, elle n’emprunte les escalators en descente que si quelqu'un se trouve devant elle. Cela la protège.
Samantha est déprimée par cette situation et épuisée par les efforts qu’elle déploie pour se protéger de sa dangerosité. La dernière fois, lors de la fête foraine de son quartier, Samantha a renoncé à monter dans la grande roue avec sa bande de copines. Le cœur serré, elle les a observées s’amuser depuis le trottoir. "J'en ai marre ! Marre d'être comme ça !".
Nous pourrions à juste titre faire remarquer à Samantha que malgré tout, elle ne passe pas à l'action. D'ailleurs, Samantha se teste parfois. Elle se confronte alors aux situations perçues comme dangereuses, en allant à sa fenêtre, en marchant sur un pont, etc. Pour autant, rien n'y fait, cela ne la rassure pas. Samantha redoute toujours de perdre un jour le contrôle.
Que se passe-t-il ? Samantha souffre de ce que l’on appelle une phobie d’impulsion de type défenestration. La phobie d’impulsion caractérise la crainte obsédante et irrationnelle d’avoir envie de faire du mal à autrui ou à soi-même. Comme vu ci-dessus, cette crainte provoque une détresse psychologique notable et interfère avec la vie quotidienne de la personne qui en souffre. En effet, comme si la souffrance n'était pas suffisante, la personne va également s'épuiser à élaborer des stratégies de "contre-attaque". Il s'agit des stratégies d'évitement décrites plus haut. Elles visent à réduire l'anxiété générée par ces pensées, mais aussi à réduire l'important risque de passage à l'acte perçu par la personne.
Heureusement, cela se travaille en thérapie. Il s’agit notamment pour le patient de faire la différence entre la pensée et l'action : la pensée n'est pas l'action et la pensée n'est pas non plus suffisante pour entrainer l'action. Aussi, il doit comprendre que ces pensées sont justement contraires à ses valeurs et aspirations profondes. En conséquence, en l'absence de troubles associés, le risque de passage à l'acte est quasiment nul.
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